Renault-Nissan : les ouvriers du Mississippi débarquent à Paris

Une délégation de salariés de l’usine Nissan de Canton, aux États-Unis, soutenue par des syndicats français et l’acteur Danny Glover, a manifesté hier dans la capitale pour interpeller l’État et les Français sur la responsabilité du groupe dans ses pratiques antisyndicales outre-Atlantique.

Une manif à l’américaine sous les fenêtres de l’Assemblée nationale. Pour donner toutes les chances à leur cause d’être propulsée sous les feux des projecteurs, les ouvriers de Nissan à Canton (Mississippi) et le syndicat UAW (United Automobile Workers) avaient recruté hier un ambassadeur de choc en la personne de Danny Glover, l’acteur américain célèbre pour son rôle dans l’Arme fatale. C’est que leur combat pour obtenir des élections professionnelles sans ingérence patronale dure depuis maintenant treize ans. Treize ans de répression antisyndicale. Treize ans de déni et de mutisme de la part de la direction de l’alliance Renault-Nissan.« On subit de nombreuses menaces de licenciement et des tentatives d’intimidation de la part des chefs. La direction impose aux travailleurs de regarder des vidéos antisyndicales où il est expliqué que s’ils votent pour l’UAW, l’usine fermera », explique Morris Mock, salarié sur le site de Canton depuis son ouverture en 2003. Aux États-Unis, pour obtenir la tenue d’élections professionnelles, un syndicat doit obtenir les signatures de 30 % de salariés puis récolter plus de 50 % des suffrages. En l’absence de telles élections, les travailleurs ne sont représentés par aucune instance. Jusqu’à maintenant, la politique antisyndicale de Nissan a porté ses fruits. Résultat, « beaucoup d’entorses aux règles de sécurité », rapporte Morris Mock, qui accuse le constructeur automobile de « profiter d’une population pauvre », en énorme majorité afro-américaine. Une exploitation qui relève « d’une forme de racisme » pour Derrick Johnson, président de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People, organisation historiquement influente dans la lutte pour les droits civiques) pour l’État du Mississippi. « Les droits des travailleurs sont des droits civiques », insiste l’activiste, qui pense qu’il faut « éveiller les consciences » sur les problèmes raciaux « sur le lieu de travail ».

Entendus par le ministère du Travail ?

« Nous voulons que le peuple français entende nos histoires, nos arguments, car l’État français, actionnaire à près de 20 % de Renault, doit leur rendre des comptes. Les Français ont toujours été très vigilants sur les questions sociales, les relations entre les travailleurs et le patronat », a tenu à souligner Danny Glover. Leur lutte a en tout cas déjà trouvé un écho chez l’intersyndicale (CFDT, CFE-CGC, CGT, FO) de Renault, qui soutient les salariés américains, ainsi que chez certains députés, comme le socialiste Christian Hutin. À l’issue d’une réunion avec le cabinet de la ministre du Travail, Myriam El Khomri, la délégation du Mississippi aurait même obtenu que celle-ci envoie un courrier commun au président de l’alliance Renault-Nissan lui enjoignant de ne pas interférer dans l’organisation d’élections professionnelles à Canton.